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Le camp de jeunesse d albepierre 1940 1944

45.075124085337, 2.8164147949219
(28 octubre 2025)

La pierre portant la date du 21 septembre 1941 est le seul vestige de la chapelle du Camp de jeunesse numéro 40. Elle fut inaugurée à cette date.

Cette pierre gravée, retrouvée dans la rivière par Jean Rigal,rappelle l'histoire mouvementée de ce camp de jeunesse, que les recherches d'Antoine Farrayre ont reconstitué :

1 Une pierre, une mémoire : le Chantier de Jeunesse n°40 à Albepierre


A partir d’une simple pierre oubliée, retrouvée dans un ruisseau, se dévoile une page mal connue
de l’histoire du Chantier 40.


Les traces du camp du Chantier de Jeunesse 40 « Les Arvernes » qui avait été installé à
Albepierre au lieu-dit La Champ à 1134 m d’altitude pendant la seconde guerre mondiale ont
quasiment disparu. Mais une pierre carrée portant l’inscription « 21 septembre 1941 » sculptée en
relief a été retrouvée dans le ruisseau voisin par Jean-Claude Boissonnet vers 1970 puis laissée
dans la maison de famille à Bredons. Pierre Bonthou la remit à Jeantou en 2022. Ce dernier sut
discerner dans cette pierre bien plus qu’un simple vestige du passé mais le témoignage silencieux
d’une époque troublée, un précieux fragment de l’histoire du Chantier de Jeunesse 40 entre
engagement patriotique, ferveur religieuse et refus de la soumission.


Les deux camps du Groupement 40


A l’exception de la chapelle, la construction des baraques Adrian (logements, cuisines,
infirmerie…) du camp du lieu-dit La Champ à Albepierre était terminée en mai 1941 et celle du
camp de la Croix Jolie à Murat (commissariat, administration) en août de la même année.

1 Le général La Porte du Theil créateur et suivant la terminologie de l’époque commissaire général des
Chantiers de Jeunesse fit deux visites au Groupement 40 le 05 Décembre 1940 puis le 21
Septembre 1941. 

2Le capitaine Le Fouest démobilisé à l’armistice fut le fondateur et le premier Commissaire du
Groupement 40. Il semble avoir été apprécié des jeunes mais aussi de ses supérieurs car il fut
décoré de La Francisque en Mars 1942.


Figure 1 Le camp de La Champ début 1941 3 Le Fouest à droite La Porte du Theil au centre le 05 Décembre 1940 4
La chapelle et la Vierge
La chapelle de La Champ fut inaugurée le 21 septembre 1941. Sur une photo (figure 2) de la
cérémonie célébrée par l’abbé Genevaux aumônier du camp montre la pierre carrée,
vraisemblablement taillée par un jeune du camp pour immortaliser l’événement. La date, sculptée
en relief, atteste d’un savoir-faire artisanal certain.
1 Cantalpassion « Les Chantiers de Jeunesse dans le Cantal » Témoignage de André Martres
2 Alatienne Pascale, Etude de deux Chantiers de la jeunesse à Tronçais et à Murat (1940-1944), mémoire de maîtrise soutenu en octobre 1986 devant l'UER de
Clermont II (Puy-de-Dôme) [il s'agit respectivement des groupements 1 et 40]. Page
3 Photo provenant du site « les chantiers de jeunesse (L’AUVERGNE) 1,5,20,21,22,32,34,39,40,42,44 | prisonniers de guerre »
4 Photo communiquée par l’historien Eugène Martres. Première visite du général La Porte du Theil
2
Un pignon maçonné, coiffé d’une croix et pourvu d’une niche, fut ajouté dans les mois qui suivirent
à la chapelle. Ce pignon, crépi de blanc et longtemps dernier vestige visible du camp, s’effondra
au printemps 1966 sous une couche de neige d’épaisseur exceptionnelle. La même année, une
coulée de neige descendue de la montagne de La Molède dévasta le buron du pré Vidal et creusa
une saignée toujours visible dans la forêt.
Figure 1 : 21 09 1941 Inauguration de la chapelle de La Champ avec l’aumônier Genevaux . Tiré du livre photo Page 22


3 La statue de la Vierge

L’église d’Albepierre conserve aujourd’hui une Vierge à l’Enfant issue de la chapelle de La
Champ. L’usure due aux intempéries laisse penser qu’elle était placée dans la niche extérieure du
pignon. Le socle porte le nom du sculpteur Jacques Martin (1885–1976), auteur en 1924 d’une
Vierge en bronze dite Notre-Dame de Metz, érigée place Saint-Jacques à Metz.
La Vierge de La Champ est une réduction en terre cuite de la Vierge de Metz.
Figure 2 : Vierge de Metz dans l'église d'Albepierre et pignon de la chapelle de La Champ après une tempête Février 1942 5
Figure 3 : Vierge de Metz dans l'église d'Albepierre et pignon de la chapelle de La Champ après une tempête Février 1942 6


Plusieurs témoignages concordent sur sa provenance. Le chanoine Andrieux rapporte avoir, en
1942, reçu mission d’aller chercher à Lyon une statue de Notre-Dame pour une chapelle érigée à
La Molède.

7 Jean Anglade, dans son roman La soupe à la fourchette, évoque la remise de la
statue par l’aumônier du chantier, l’abbé Genevaux, au curé d’Albepierre après la dissolution du
chantier en 1944.

8 L’abbé Genevaux, originaire de Lorraine et fortement patriote, apparaissait
attaché à cette Vierge, symbole de résistance face au nazisme : lors de l’anniversaire de son
inauguration à Metz, le 15 août 1940, des Messins déposèrent des bouquets tricolores et
coiffèrent la statue d’une Croix de Lorraine. Ils prièrent jusque tard dans la nuit avant d’être
expulsés de la place. En réaction, l’évêque et de nombreux curés furent chassés par les autorités
allemandes.


Les cérémonies de 1941


L’année 1941 fut riche en cérémonies et démonstrations publiques pour le chantier :

visite du 30e bataillon de chasseurs le 22 mars, messe et fête du Travail le 1er mai, fête de Jeanne d’Arc à
Saint-Flour le 10 mai, réouverture solennelle de l’église d’Albepierre le 14 juin après sa
profanation, cérémonie de la légion des combattants à Albepierre le 21 Juin et une fête populaire
le 21 septembre en présence de La Porte du Theil.


Des incidents entachèrent toutefois cette image : vols chez des commerçants de Murat et
profanation d’objets du culte à l’église d’Albepierre. En réparation, une croix en rondins fut érigée
par les jeunes du chantier, aidés de quelques habitants, sur une hauteur dominant le village.

Lors de la réouverture de l’église le 14 juin 1941, l’évêque de Saint-Flour, Augustin Lecoeur, célébra la
messe entouré du clergé local ; des jeunes du chantier y assistèrent, mêlés à la foule mais sans
formation d’ensemble.


5 Voir dans Gallica la revue pro-vichiste « Compagnons : l’hebdomadaire jeunes » du 13 Février 1943 Pages 5 et 6 consacrées à un reportage sur le Chantier 30.
6 Voir dans Gallica la revue pro-vichiste « Compagnons : l’hebdomadaire jeunes » du 13 Février 1943 Pages 5 et 6 consacrées à un reportage sur le Chantier 30.
7 Petit Jean. Mémoires du chanoine Jean Andrieux. Ecrit en 1994.Edité par les archives diocésaines de St Flour. P 85
8 La soupe à la fourchette de Jean Anglade. Presses de la Cité 1994. Page 224
4
Figure 4 14 Juin 1941 Cérémonie de réouverture de l’église après la profanation
La photo commémorative de la fête du 21 septembre 1941 permet d’identifier certains
participants, parmi eux M. et Mme Rochez d’Albepierre et M. Rode de La Molède.
Figure 5 : 21 Septembre 1941 deuxième visite de La Porte du Theil au Chantier 40 9


La montée du refus : le communiste Odru et l’aumônier Genevaux


« . Je souhaite la victoire de l’Allemagne, parce que, sans elle, le bolchevisme, demain, s’installerait partout. …Ouvriers de France, c’est pour la libération des prisonniers que vous allez travailler en Allemagne ! » — Pierre Laval. Allocution radiodiffusée du 22 juin 1942


« Depuis un certain temps, il flotte sur les chantiers un vent nouveau. Fidélité au Maréchal est devenu fidélité au bougnat et à sa politique. « Je souhaite la victoire allemande » et celui qui n’a pas les mêmes vœux est un traître et un mauvais français. » — Abbé Genevaux, Lettre à son frère. Albepierre le 15 février 1943


« Monsieur Laval est un salaud ! Il n’y a plus de français... Vous livrez des français aux allemands ! » — Abbé Genevaux. Albepierre mars 1943


À partir de l’été 1942, le vent changea sur les chantiers. Le discours radiodiffusé de Pierre Laval du 22 juin 1942 appelant à la relève, la loi du 15 juillet interdisant les chantiers aux juifs, l’invasion de la zone Sud le 11 novembre 1942 et surtout la loi du 16 février 1943 instituant le Service du Travail Obligatoire provoquèrent une montée du refus parmi les jeunes du Groupement 40.


9 Photo communiquée par l’historien Eugène Martres
5
Des arrestations commencèrent à marquer ce basculement.

En novembre 1942, onze militants communistes furent arrêtés à Albepierre après une distribution de tracts et
envoyés au camp d’internement de Saint-Paul-d’Eyjeaux en Haute-Vienne

10. Les conditions d’internement y étaient très dures. Trois de ces détenus furent déportés, d’autres
s’évadèrent, parmi eux Eugène Odru qui s’était déjà distingué pour son engagement antinational à Nice en 1940. Il avait fait partie des jeunes communistes niçois arrêtés pour l’affaire du drapeau rouge de la Passerelle des Abattoirs en novembre 1940.

Il fut condamné par le tribunal militaire de Marseille et ensuite transféré dans le chantier de jeunesse disciplinaire 40 d’Albepierre.

11 Après son évasion en mai 1943, Odru rejoignit la Résistance, prit sous le pseudonyme de André la tête du détachement FTP “D’Estienne d’Orves” en Creuse, devint commandant de compagnie FTP en Corrèze et participa
notamment à l’attaque de la garnison de Tulle les 7 et 8 juin 1944

12, attaque dont la répression aboutit au massacre de Tulle le 9 juin.

Figures 6 et 7 Eugène Odru au camp d'internement de Saint-Paul d’Eyjeaux 13 et l’abbé Genevaux en 1941


La radicalisation du refus prit aussi la forme d’un désaveu moral exprimé par l’aumônier du chantier, l’abbé Genevaux , qui réagit vivement à l’annonce du STO :

il qualifia Pierre Laval de “salaud” et appela à refuser le départ des jeunes vers l’Allemagne. Cette prise de position publique et la surveillance de ses correspondances lui valurent d’être considéré comme indésirable par l’administration préfectorale qui signala à Pierre Laval son hostilité au gouvernement.

14
Le peloton qui avait arrêté les onze militants communistes était commandé par l’adjudant-chef Étienne Debord, originaire d’Albepierre .

Son supérieur, le commandant Latour d’Aurillac, très collaborationniste, avait signé l’ordre de mission. Il fut condamné à mort par la Cour Martiale d’Aurillac qui venait d’être créée par le commissaire régional de la
République Ingrand

15 et fut fusillé le 15 septembre 1944 au lieu-dit « carrière d’Escanaux » à Aurillac.

16 Debord, après un parcours sans faute fut reconnu pour avoir, en plusieurs occasions, favorisé la Résistance.


10 Les chantiers de Jeunesse de Olivier Faron. Grasset 2011 Page 184.
11 Jean-Louis Panicacci, professeur honoraire à l’université de Nice, président du Musée de la Résistance Azuréenne, qui a bien connu Eugène Martres au sein du Comité d’Histoire de la Seconde Guerre mondiale dans le courant des années 1970. Par email.


12 Lors de cette attaque, les allemands qui occupaient l’école normale de jeunes filles perdirent 42 tués et neuf autres, soupçonnés d’appartenir à la Gestapo, furent fusillés.

Les maquisards firent une cinquantaine de prisonniers. D’après le témoignage en 2019 de l'ancien résistant Edmond Réveille, le 12 juin 1944, donc après le massacre de Tulle et d’Oradour-sur-Glane, 47 prisonniers allemands et une femme française de la Gestapo auraient été exécutés sommairement par des résistants FTP dans la région de Meymac.

Les résistants ne pouvaient pas les libérer pour des raisons de sécurité et ne trouvèrent pas les moyens de les garder.


13 www.musee-resistance-azureenne.fr/2016/09/23/eugene-odru-1920-2008/eugene-odru-15-decembre-1942/
14 Archives Départementales Aurillac. Copie communiquée par Yvon Alain ancien maire d’Albepierre-Bredons
15 Revue de la Haute Auvergne. « Hommes et femmes dans la guerre 39-45 » Tome 85 Juillet-Décembre 2023 p.84
16 AD Cantal Etat civil
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Déliquescence et dissolution


La déliquescence du Groupement 40 s’accéléra en 1943.

En juin 1943, le magasin du camp d’Albepierre fut vidé par un groupe de quinze maquisards avec la complicité d’un chef local, Bonfils, qui se sentant menacé, passa ensuite en Afrique du Nord.

Le 26 janvier 1944, un raid similaire toucha le magasin de La Croix Jolie, interrompu par l’alerte donnée par un
commissaire-adjoint.

17 D’autres prélèvements se multiplièrent à partir du printemps 1944.
Après une manifestation à Murat en avril 1944 liée aux visites médicales avant départ au STO, le commissaire du Groupement 40 fut remplacé.
Les désillusions et les désertions se généralisèrent jusqu’à la dissolution légale deschantiers. La loi n°314 de Pierre Laval et Marcel Déat du 10 juin 1944 prit effet le 15 juin 1944 et mit fin aux Chantiers de Jeunesse.

Le 18 juin 1944, l’effectif résiduel du Groupement 40 fut intégré à l’organisation Todt et envoyé dans la région d’Hourtin où il travailla à une base marine sous la surveillance de la Wehrmacht.

18 Un ancien se souvenait d’y avoir creuser des fossés antichars pour la défense allemande.


Conclusion


La pierre retrouvée dans le ruisseau ne se contente pas de signaler un camp disparu ; elle conserve la mémoire des choix, des fidélités et des refus qui ont traversé ces jeunes.
La trajectoire des hommes du chantier fut plurielle : certains basculèrent dans la Résistance, d’autres furent internés ou déportés, d’autres encore furent contraints au travail pour l’ennemi en France ou en Allemagne.

La pierre retrouvée dans le ruisseau conserve la mémoire de ces destins croisés et rappelle que des choix individuels ont affirmé le refus de la soumission.

Un poème d’Aragon résume cette fidélité partagée, qu’elle soit religieuse ou profane, et honore leur mémoire :


Qu'importe comment s'appelle
Cette clarté sur leur pas
Que l'un fut de la chapelle
Et l'autre s'y dérobât
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Tous les deux étaient fidèles
Des lèvres du cœur des bras


17 Dans Murat et son Canton.1940-1945. Edition de l’Association du Musée de la Résistance d’Anterrieux. P 71
18 Les chantiers de Jeunesse de Olivier Faron. Grasset 2011 Page 283
7
Bibliographie
Eugène Martres. Le Cantal de 1939 à 1945. De Borée. 1993
Olivier Faron. Les chantiers de Jeunesse. Grasset 2011
Revue de la Haute Auvergne. « Hommes et femmes dans la guerre 39-45 » Tome 85 Juillet-
Décembre 202
Murat et son Canton.1940-1945. Edition de l’Association du Musée de la Résistance d’Anterrieux
Pascale Alatienne. Etude de deux Chantiers de la jeunesse à Tronçais et à Murat (1940-1944),
mémoire de maîtrise soutenu en octobre 1986 devant l'UER de Clermont II (Puy-de-Dôme) Il s'agit
respectivement des groupements 1 et 40.
Jean Andrieux . Petit Jean. Mémoires du chanoine Jean Andrieux. 1994. Edité par les archives
diocésaines de St Flour

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